La crêperie du Bodo: 30 ans déjà

Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves,” Eléanore Roosevelt

J’ai encore du mal à le croire - et à l’écrire - mais cela fait bien 30 ans que j’ai ouvert la “Crêperie du Bodo”. Pied de nez à mon banquier de l’époque qui ne misait guère sur l’effective survie de mon projet. Toujours faire ce que l’on croit ne pas pouvoir faire, se dépasser, franchir les barrières qu’on érige devant nous. En trois mots: il faut oser. Et surtout, il est important de rester soi-même: “Soyez vous-même, les autres sont déjà pris,”comme le disait Oscar Wilde.

Je me souviens encore de ma formation “crêpier”. Surtout du préalable entretien afin d’évaluer la motivation des postulants.
Chacun de nous déambulait, bon an mal an, devant un jury constitué de trois personnes, et répondait à des questions aussi insolites qu’improbables.
Afin d’écourter mon temps d’attente, et réduire mon stress, je me tourne à gauche, à droite, regarde mes camarades soupirant au poste de futur crêpier. Et j’engage des discussions. 

Pléthore de candidats n’étaient présents que par principe, envoyés par l’ANPE - l’ancien Pôle emploi. A leur parler, je sentais leur peu d’enthousiasme. Je comprenais aussi que nombre d’entre eux, en fin de droit, avaient priorité. Une sorte de discrimination positive.
Ma femme travaillait, nous avions un enfant à élever, une maison à payer. J’avais peur. J’étais angoissé. Dans ma tête, mon projet était clair: réhabiliter une partie de notre demeure pour en faire une crêperie. 
Et - pardonnez-moi ce langage fleuri - au fil des questions, j’ai craqué, rongé par ma peur, et j'ai traité mes juges de coprolithes, de nodocéphales. En d’autres termes, je les ai envoyé chier. Et avec passion.

Je suis donc rentré chez moi. Dépité. Je m’en voulais: “Pourquoi n’as-tu pas retourné 7 fois ta langue dans ta bouche au lieu de parler comme le capitaine Haddock ?” 
Quelques jours plus tard, mon téléphone sonne. Je décroche, non sans un noeud au ventre: “Monsieur Salliou, je vous appelle pour vous signifier que vous pouvez suivre la formation crêpier.
J’en fus étonné.
Plus tard, j’apprendrai que le formateur, après mes insultes, s’était retourné vers ses comparses en leur disant: “Cette personne, je l’exige, fera la formation. Elle en veut. Elle a un objectif. Ce n’est pas un branquignole.
Pour une fois que mon tempérament sanguin avait porté ses fruits. Avec cette chance d’être tombé nez à nez avec un quidam qui avait su lire entre les lignes. Déceler ce qui, en moi, vibrait.
J’ai toujours voulu ouvrir un commerce de bouche.

La formation a été laborieuse. J’ai mis un temps a adopté toutes les techniques. Et un jour, j’impressionnais mon formateur par ma rapidité, et ma dextérité. C’est ma manière d’apprendre: j’intègre doucement, et une fois que c’est en moi, c’est en moi. Gravé à jamais.

Entre-temps, il a fallu mendier auprès des banques, trop arrogantes et trop frileuses pour lâcher un peu de leste de leur pactole à un père de famille. Investir, injecter de l’argent dans l’économie réelle n’a jamais été le fort des banques. C’est pourtant l’une de leur mission. C’est donc avec un minimum, juste de quoi acheter des tables, des chaises, de la vaisselle (et encore: nous avions si peu d’assiettes qu’il fallait les laver au fur et à mesure) et mes instruments de travail (billig, louches, cul-de-poule, etc.), que j’ai commencé. Avec ma femme, Joelle, au service.

J’avais des doutes, j'avais des certitudes. Toutefois j’y croyais. Nombre d’amis étaient venus m’aider à réaliser des travaux dans la crêperie. Ma famille me soutenait. Tout est là, en fait, tout est contenu dans ce verbe: soutenir. Je sentais que j’étais soutenu, ce qui me procurait une force. Cette volonté d’entreprendre. D'aller de l'avant. 

Début août 1986 - un peu moins d’un an avant la naissance de mon second fils - la crêperie ouvrait ses portes. Je me souviens de cette journée. Mon fils ainé, d’à peine 5 ans - et qui jouait avec l’un de ses meilleurs amis de l’époque - était silencieux. Plus exactement, ils étaient, tous les deux, discrets, beaucoup trop tranquilles. Un calme qui ne rassure guère les parents, peu habitués à ne pas entendre des cris, des piaffements. Et qui annonce une découverte oh combien marrante une fois que le temps passe, que l’eau a coulé sous les ponts. Autrement dit, ce silence n’avait qu’un funeste présage: une connerie venait d’être faite. Laquelle ?
Effectivement, les deux chérubins avaient réussi à empoigner les bouteilles de sirop, en avait déversé par terre, sur eux. En avait bu. Un sol collant, des “enfants ruches”, qui n’étaient que sucre. Et qui riaient à voir nos têtes déconfites par l’ampleur de leur dégât. Comment des êtres aussi petits peuvent-ils déclencher un tel ouragan de bêtises !
Après un bon nettoyage, une expédition afin de racheter du sirop s’en est suivie. Avec le recul, j’en ris.

Dans mes souvenirs, je garde en mémoire la venue de toute ma famille à l’ouverture de ma crêperie. Aussi la venue d’ami(e)s, mères de famille et d’institutrices. Pendant une période pendant laquelle j’étais au chomage, je participais à pléthore d’activités, j'aidais les prof à mettre en place des sorties scolaires, comme une semaine d’initiation au poney pour la classe de mon fils.

30 ans. Des anecdotes, des histoires, je n’en manque pas. Que de belles rencontres, pendant ces trente années. Il y a eu quelques galères: c’est vrai, et je ne m’en cache pas. Toutefois, toutes ont été riches d’expériences.
J’ai accompli l’un de mes rêves. Que je vis depuis 30 ans grâce à vous. Grâce à vos visites. Un grand merci. Aussi, un grand, grand merci à mes voisins - de "Le Bodo" - qui ne cessent de me venir en aide. De me soutenir.
Si je n’ai qu’un conseil à vous transmettre, c’est : osez, devenez qui vous êtes, croyez en vos rêves.

A bientôt, 
Pierrick Salliou - Crêperie " Le Bodo " - Tél: 0299068965

Commentaires

  1. Quelle belle histoire. J'espère que nous continurons a rire de tes blagues et péripéties de nombreuses années encore.

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